« Je vais la pousser, un peu. Je reviens. », disent mollement ces adolescents in love au début de la relation avec les Coucou, Bébé, Je t’aime. Puis une fois, le pas de la porte franchi, les démarre ensuite une longue marche vers la maison de la jeune femme ; que des petits frères et sœurs s’empresseront de vanner.
Parfois, lorsque les deux sont éperdument amoureux l’un de l’autre, la demoiselle lui rend la pareille et fait chemin inverse pour repartir dans le sens de la marche.
Hier, au sein du théâtre du Châtelet, situé dans le 1er arrondissement parisien, quelques mois seulement après l’avoir quittée, Lionel Messi a repris une sale habitude : la marche vers un ballon de 12 kilogrammes.
C’est la 8ème - et certainement dernière fois – que le néojoueur de l’Inter Miami monte ainsi les marches sous les yeux d’autres footballeurs déçus de ne pas encore l’avoir soulevé. Coucou, Kylian Mbappé ! Retour sur la dernière marche du plus grand marcheur blanc de tous les temps.
LIONEL MESSI REVIENT À PARIS
C’est Djibril Cissé, accompagné en pensées, en parole et par action par le journaliste sportif Messaoud Benterki, qui donne le coup d’envoi de la cérémonie en coupant le ruban rouge.
C’est le même ancien avant-centre liverpuldien, avec lesquels il a miraculeusement la Champions League 2005, qui tout seul comme un grand cette fois-ci a lancé la Fashion Week ; avec une tenue dont lui seul a le secret.
D’autres comme Vinícius Júnior, intelligemment récompensé avec ce Prix Socrates pour son engagement caritatif et surtout le fait qu’il soit malgré lui symbole de la lutte antiracisme, lui ont emboîté le pas et se sont donc sapés comme jamais.
Et pendant ce temps-là, le natif de Rosario, où il a vu le jour le 24 juin 1987, accompagné par sa petite tribu, femme et enfants, fait preuve d’une étonnante sobriété avec ce costume noir sur chemise blanche et petit nœud papillon pour casser le cou des jaloux.
Que ce soit à Paris, qui en mai dernier l’avait suspendu deux semaines pour un voyage non autorisé en Arabie Saoudite, ou ailleurs, des jaloux, le capitaine de l’Albiceleste, l’équipe nationale d’Argentine, en a connu/en connaît/en connaîtra. Mais s’il y a bien une chose que personne ne peut nier : c’est son talent. Oui, l’Argentin est si fort qu’il marche pour dominer les autres notamment lorsqu’il était à Barcelone.
MARCHER MÈS QUE UN STYLE DE VIE
Que l’on soit fin connaisseur aux analyses intelligentes ou fans aux conclusions hâtives, regarder un match du Barça à l’époque se résumait ainsi, à peu de chose près : des arrêts décisifs de Ter Stegen, esseulé au milieu d’une défense pas toujours performante, mais aussi un milieu où le vieillissant Sergio Busquets – qui l’a depuis rejoint à l’Inter Miami – distribue des passes précises, et petits coups bas et enfin un trio d’attaque phagocyté par l’omniprésence du Messi.
À l’abri des regards indiscrets, sur son aile droite, l’attaquant gaucher attend paisiblement que le ballon lui vienne dans les pieds. Aller le chercher ? Pour quoi faire ? D’autres comme Arturo Vidal[1] vont aller le récupérer d’un tacle assassin, avec les deux pieds décollés en prime. Alors, le Messi argentin marche sur le terrain comme d’autres sur l’eau, des siècles et des siècles avant lui : avec calme.
Parce qu’il sait avant tout le monde, là où la faille se trouve, l’espace que le défenseur a omis de fermer, le replacement que le latéral happé par sa simple présence oublie de faire, etc.
GUARDIOLA MARCHE AUSSI AVEC MESSI
Alors oui quand le soi-disant Greatest Of All Time touche le ballon : la messe est dite ! Parce qu’il va rentrer dans l’axe pour servir Luis Suarez[2], d’un petit ballon piqué, enrouler sa frappe pour trouver lucarne ou petit filet.
Interrogé sur cette habitude, cette manie, l’ancien entraîneur du Barça, qui aujourd’hui engueule ses joueurs pour qu’Ils restent au sommet, Pep Guardiola révélait il y a quelques années :
« Gardez un œil sur Messi, il donne l’impression de se laisser vivre sur le terrain. On peut même penser qu’il est seul au monde mais quand il s’aperçoit qu’on le surveille, il prend l’espace et s’éloigne. C’est alors fini, détaille l’entraîneur espagnol. En fait, il marche pour analyser la situation de chaque action, chaque parcelle de la pelouse. Quand il a le ballon, c’est là où il se peut se rendre compte de la radiographie complète de l’espace-temps. Il sait alors exactement où se trouvent tous les joueurs, coéquipiers et adversaires. Et pam ! »
UN MODÈLE INEXPORTABLE
Mais voilà, à force de le rechercher constamment, ses coéquipiers manquaient de créativité et le Barça, dont le beau jeu est l’ADN du club, en manquait cruellement. La demi-finale de Ligue des Champions perdue lamentablement face au Bayern Munich (8-2), emmené par un Thiago Alcantara de gala, ex-blaugrana, en est l’exemple parfait.
Et son récent passage parisien, aussi.
À Paris, entre les mains de son compatriote Mauricio Pochettino, qui doit assembler les pièces du puzzle Chelsea, l’ancien Blaugrana est baladé : vrai faux avant-centre, ailier droit, mais aussi second attaquant ou encore milieu offensif. Et pendant ce temps-là, Neymar Jr et Kylian Mbappé peinent à combiner avec lui. Bien loin de ses standards catalans, et pour cause la structure de développement du jeu était inexistante, ses statistiques (32 buts et 35 passes décisives en 75 matchs) déclenchent l’ire d’un public parisien.
C’est ainsi que le 15 juillet 2023, après deux ans, le numéro dix rejoint l’Inter Miami présidé par un certain David Beckham, copropriétaire du club floridien et par ailleurs garant des interviews de sa femme.
C’est le même Anglais qui hier, au bout d’une longue soirée, marquée entre autres par l’intervention onusienne de Didier Drogba quand Emiliano Martinez se faisait siffler, avec encore moins de suspense que dans une élection présidentielle organisée en Afrique subsaharienne, lui a remis son 8ème Ballon d’Or - et le dernier selon ses propres. Il est un peu moins de 21 heures 30 quand l’octuple entame la marche avant vers la scène du théâtre du Châtelet pour succéder à Karim Benzema.
ET LE BALLON D’OR 2023 EST LIONEL MESSI
Sacré devant Erling Haaland, meilleur buteur de l’année (56 buts au total) et donc récompensé par le trophée Gerd Müller, et Kylian Mbappé, vice-champion du monde qui lui a volé la vedette en inscrivant un triplé, le champion du monde 2023, une fois les traditionnels remerciements copier/coller, a eu un mot pour eux :
« Haaland et Mbappé gagneront le Ballon d’Or un jour […] Erling le méritait aussi beaucoup. Je suis sûr que quand les prochaines années, il le gagnera. »
Ainsi parla Lionel Messi, beau joueur. Fidèle à lui-même, et cette image parfaite que beaucoup ont survendue au point où on lui donnerait presque le bon Dieu sans confession. En même temps n’est-t-il pas le Messi ?
Au fond qu’Il soit ou non « le meilleur footballeur de tous les temps », ce n’est plus le sujet du jour. Thanks God.
Dans quelques années, quand les cœurs seront encore plus apaisés, après des années de lavage de cerveau avec cette guéguerre Lionel Messi/Cristiano Ronaldo, alors que le Ballon dort dans les pieds d’Andrès Iniesta, que les langues ne seront plus bien pendues, c’est un autre joueur de football professionnel qui sera sur toutes lèvres. Y compris de celles humides de jeunes adolescents qui finissent par s’embrasser après que l’un d’entre eux a paresseusement dit : « Je vais la pousser, un peu. Je reviens. » La dernière marche.