« Je crois que je vais mettre un terme à ma carrière en équipe de France. », balance timidement Zinédine Zidane, micro Canal+ en main, un soir d’août 2004. L’été tire à sa fin, et avec lui les amourettes estivales et autres mougoupan[1], quand le Ballon d’Or France Football 1998 met un point final à sa love story avec les Bleus.
Cheveux courts résistant péniblement à une calvitie bien avancée, regarde fuyant, élocution timide, il y a du Zidane dans le texte.
Personne ne le reverra sous le maillot bleu et blanc de la sélection française. Du moins c’est ce que tout le monde croit.
Un an plus tard, le « double ZZ » enfile à nouveau la liquette étoilée…contre la Côte d’Ivoire. Résultat : 3 à 0 dont un but du plat du pied de Zidane. Il est de retour ! Et ce n’est que le prologue d’une histoire dont il va écrire l’une des plus belles pages 11 mois plus tard, en Allemagne, face à la Seleção.
Retour sur ce Brésil – France, quand Zidane danse avec les stars.
L’ESPAGNE EN HORS-D’ŒUVRE
Avant ce fameux Brésil – France du 1er juillet 2006, il eut l’Espagne.
Néo-retraité, sorti en pleurs sous les acclamations d’un Santiago Bernabeu reconnaissant pour toutes ces années de spectacle, Zidane retrouve la Roja. À cette époque, les Espagnols ont encore cette étiquette de losers magnifiques qui leur collent à la peau. À l’image de leur capitaine Raul Gonzalez Blanco, qui n’aura jamais rien gagné avec son équipe nationale. Mais le vent semble tourne avec de nouvelles pousses prometteuses telles que Ramos, Torrès, Xavi, etc. Peut-être la raison pour laquelle des journalistes ibériques veulent « le mettre à retraite ». Pardonnez-leur, ils ne savaient pas ce qu’ils écrivaient.
Poussifs lors de la phase de poules, 2ème derrière les terribles voisins Suisses, les Français sont tout sauf favoris. Encore plus quand David Villa transforme le pénalty. Vient ensuite l’égalisation de Frank Ribéry, après un duel remporté face à Iker Casillas ; porté par feu Thierry Gilardi : « Vas-y mon petit ! »
C’est ensuite autour de Patrick Vieira puis l’inévitable Zidane d’envoyer l’Espagne à la maison…de retraite.
LE BRÉSIL EN CHEF-D’ŒUVRE
Quart de finale : Brésil – France. Ce 1er juillet 2006, le thermomètre affiche 26 – 27 degrés tandis que le compteur lui indique 27 000 spectateurs.
Drapeaux qui flottent dans les airs, visages peints en bleu blanc rouge pour les uns, en jaune et vert pour les autres, bises entre coéquipiers et/ou rivaux dans le couloir qui mène à la pelouse, l’ambiance est bon enfant. Même quand les deux capitaines, Cafu et Zidane, lisent un communiqué officiel : « Dire non au racisme ! » La plaisanterie n’est jamais finie.
Côté terrain, le Brésil, qui s’est débarrassé du Ghana et qui a surtout remporté deux des trois dernières finales, est favori. Largement favori encore plus quand tu vois ce 4 – 3 – 1- 2 ; avec Roberto Carlos, Lùcio, Kaka, Ronaldo, Ronaldinho, etc.
Disposée en 4 – 2 – 3 – 1, la France, elle, n’est pas mal lotie non plus. Thuram, Makélélé, Ribéry, Thierry Henry, et bien sûr Zidane. Et ce sourire indécrottable qui colle son visage comme le ballon à son pied. Oui dès la 1ère minute de jeu, Il Maestro met littéralement le pied sur le ballon, se retourne, laisse en « vu » Zé Roberto et Juninho Pernambucano, venus le stopper, avant une petite série de passements de jambes ! Qu’importe si la passe est inexploitable pour un hors-jeu de Thierry Henry. Le ton est donné.
Les quelques vagues brésiliennes se heurtent littéralement à un mur français. Échappant au marquage de la défense française, Ronaldo ne peut reprendre correctement le ballon de la tête (11ème minute).
De l’autre côté du terrain, la puissante frappe de Thierry Henry sonne complètement Lùcio. Quelques acteurs du match s’offrent alors une pause fraîcheur. La France met la pression sur la défense auriverde, qui n’a encaissé qu’un seul but depuis la compétition, mais la grosse frappe de Ribéry passe très largement au-dessus des buts de Dida (14ème minute). Et Zidane dans tout ça ? Il marche sur le terrain, se replace, tente quelques menus pressings, mais reste pour le moment introuvable. Cela se ressent sur le jeu français qui manque terriblement d’éclat. Hormis quelques contrôles « zidanesques ». Les « Zizou ! Zizou ! » qui descendent des travées n’y changent rien pour le moment. Puis lentement mais sûrement, les choses changent.
ZIDANE DANSE AVEC LES STARS
Contrôles pied droit/pied gauche, passe en retrait, Zidane rappelle techniquement à Kaka « qu’il n’a jamais été un grand joueur ». Samuel Eto’o likes this. Avant ce double contact pour trouver Abidal, qui avait glissé dans son dos. Ça y est ! Sous les yeux de Youri Djorkaeff, bien placé dans les tribunes pour supporter ses anciens coéquipiers, Zidane a enfilé ses crampons magiques. Couleur or, en plus, s’il vous plaît.
L’horloge indique pratiquement la 44ème minute, et donc bientôt la fin de la première mi-temps, quand le numéro 10 français s’amuse une nouvelle fois. À la retombée d’un ballon, il lance à grande vitesse une dangereuse contre-attaque, couche deux défenseurs et trouve Patrick Vieira. Le longiligne défenseur français est stoppé par Juan, vrai-faux dernier défenseur. Des supporters français sifflent.
Et pendant ce temps-là, Ronaldo et Zidane sourient. Au calme.
Les deux équipes se quittent sur une 1ère mi-temps, surtout marquée du sceau du ZZ.
De plus en plus en libre de ses mouvements, en cette seconde période, Thierry Henry prend davantage le dessus sur les défenseurs brésiliens obligés de faire faute pour le stopper. Le drapeau se lève quand l’attaquant d’Arsenal pense marquer. Hors-jeu (53ème minute).
La Marseillaise retentit dans le stade avant les olé quand Zidane réalise le coup de sombrero sur Ronaldo. Zidane danse avec les stars brésiliennes. Quelques minutes plus tard seulement, à la 57ème minute, l’homme aux chaussures dorées trouve Henry esseulé au second poteau. Plat du pied efficacité, tu connais. La France mène 1 à 0.
Des « Allez, les Bleus ! » pleuvent de manière diluvienne. Tout comme les exploits individuels de…Zidane. Nouveau coup de sombrero. La collection de ses prouesses s’agrandit à mesure que le chronomètre de M. Luis Medina Cantalejo, l’arbitre de la rencontre, défile. Ronaldo, Ronaldinho, Kaka, tous ces génies brésiliens peinent, eux, à exaucer les vœux d’égalisation de leurs fans, noyés sous les cris des admirateurs français. Se jouant de Lucio, Ribéry manque de faire marquer Juan contre son camp. Le Brésil va mal. Zidane, lui, joue relâché et offre une roulette au pauvre Gilberto Silva.
La standing ovation pour Ribéry contraste avec la bronca reçue par Kaka remplacé par Robinho ; à la 79ème minute. Le Brésil pousse, pousse, pousse mais la France l’emporte finalement : 1 à 0.
Si le Christ Corcovado, réalisé par le Boulonnais Paul Landowski, est brésilien, ce soir-là, le Divin Chauve est français.
Ce soir-là, Zinedine Zidane aurait pu dire : « Je crois que je vais mettre un terme à ma carrière en équipe de France. ». Et personne n’aurait trouvé à redire. Dommage qu’il ait préféré se mettre en boule contre Marco Materazzi pour tirer sa révérence.
[1] Coup d'un soir, histoire sans lendemain.