« Elle a fesses hein ! », commentent des pygophiles dès qu’ils voient une (jeune) femme avec un grand avenir derrière elle. Chose courante dans un Abidjan où c’est aussi dans une certaine mesure la course aux Brazilian Butt Lift (BBL) et autres Organes Grossièrement Modifiés. Chacune fait ce qu’elle veut. Kra, kra, eh.
Mais ce qui l’est moins, courant donc, c’est que ce soit un homme qui le soit encore plus un footballeur.
La Belgique avait Eden Hazard qui s’en servait pour éventuellement bloquer ses adversaires. La Côte d’Ivoire, elle, a Jean-Philippe Krasso ; auteur d’un doublé libérateur face à la Zambie (2-0). Gros plan sur cet attaquant qui fesse ce qu’il veut.
MESDAMES, MESSIEURS : JEAN-PHILIPPE KRASSO
« Ah les supporters, ils sont là dans les bons comme les mauvais moments. Bon, y a des mauvais côtés et des bons côtés. Mais on prend ce qui est bon et on on avance. […] », explique sereinement Jean-Philippe Krasso au micro tendu par le journaliste sportif Malick Traoré.
Les « mauvais moments » dont l’attaquant au physique imposant parle, ce sont certainement ces voix qui se sont élevées pour critiquer sa place dans le groupe choisi par Emerse Faé ; afin d’affronter la Zambie puis le Tchad dans le cadre des éliminatoires pour la CAN 2025. Après le forfait de Sébastien Haller qui devait souffler lui-même et sur l’encre à peine posé sur son nouveau contrat avec Leganés.
Ou peut-être même ces cris d’orfraie quand en tribunes d’autres se seraient demandés : « Mais c’est qui qui porte numéro de Drogba même ? » Souviens-toi janvier dernier.
Privé de son futur ex-attaquant de Dortmund, dont le pénalty raté leur a malheureusement coûté la Bundesliga, la saison dernière, le public ivoirien, qui a noirci le stade Ebimpé, après un pèlerinage tous frais payés par la chaleur, découvre dans son immense majorité la composition de Jean-Louis Gasset, fidèle à son 4-3-3 et surtout la pointe de cette attaque : Jean-Philippe Krasso.
LA SURFACE DE RÉPARATION, C’EST SON CHAMP
Auparavant, le natif de Stuttgart avait quitté Saint-Étienne, il y a quelques mois, pour rejoindre l’Étoile Rouge de Belgrade en Serbie où l’aventure qui a bien commencé se termine mal. Aujourd'hui, il évolue au Paris FC en...deuxième division.
« Trois avant, j’étais en National 2 à Epinal, a-t-il notamment expliqué chez Le Parisien, et on me proposait de joueur la Ligue des champions…C’est le rêve de tout footballeur. Je devais voir ça de mes propres yeux. Au final, j’ai joué contre Manchester City et marqué contre les Young Boys. C’était une très belle expérience, ma première à l’étranger, donc je ne regrette rien. Même si cela ne s’est passé comme prévu. »
Côté Côte d’Ivoire et ce match d’ouverture de la CAN 2023, tout ne passe pas comme prévu.
Peu habitués à évoluer avec lui, ses coéquipiers peinent à le trouver. Et pendant ce temps-là, Seko Fofana balance le premier banger de la compétition.
Puis en seconde mi-temps, le numéro 11 ivoirien récupère un ballon mal négocié par la défense adverse, s’offre une série de vrais faux jonglages pour se créer l’espace nécessaire avant d’inscrire le second but ivoirien ; d’une demi-volée du gauche. Mesdames, Messieurs : Jean-Philippe Krasso.
Et des supporters ivoiriens plutôt que de se concentrer sur son but d’avant-centre préfèrent parler de son séant :
« Attaquant qui a fesses ! Il a un pied, déballe ce supporter en joignant le geste à la parole. Konaté, donnez-lui sa chance. Attaquant "fesseux", il est lourd. Il va décoller comment ? Ils n’ont qu’à enlever ça là. Entraîneur n’a qu’à revoir les choses. Ils n’ont qu’à mettre petit là…Pépé. […] Lui là il a fesses et puis un pied gauche. Il ne peut pas courir. »
Entre rares titularisations (le match suivant et la défaite contre le Nigéria) et entrées en jeu (face à la République Démocratique du Congo puis le Nigéria), l’attaquant fessu passe le plus clair de son temps sur le banc plutôt que dans la surface de réparation. Mais qu’importe puisqu’il a « réalisé le rêve d’une vie » ; en la gagnant. Sans parler du fait qu'il soit le seul avant-centre ivoirien à avoir trouvé le chemin de filets avec Haller.
JEAN-PHILIPPE KRASSO, LE REMPLAÇANT IDÉAL DE SÉBASTIEN HALLER ?
N’eut été l’absence de Sébastien Haller donc, ce champion d’Afrique n’aurait pas dû être dans le groupe et encore moins dans la surface de réparation adverse pour déployer ses qualités de vitesse de prise de décision et de précision à deux reprises.
Ce doublé fait doublement du bien : aux Éléphants empruntés qui allaient emprunter le chemin de Si je savais et au principal concerné. Cependant, conclure que la Côte d’Ivoire n’a plus besoin de son avant-centre métisse et tressé, sous prétexte que l’autre noir et locksé en a planté deux, serait partir vite en besogne.
Jean-Philippe Krasso a prouvé en quelques (20) minutes qu’il avait largement sa place dans le groupe de Faé et surtout qu’il fait ce qu’il veut par rapport aux critiques. Et tant pis pour ceux qui seraient tentés de le réduire à : « Il a fesses hein ! »