« Si c’est moi, j’allais remplacer lui là pour mettre celui-là. Regarde-le : il vaut rien ! », prétendent des supporters passionnés mais sans diplômes. Du moins, pas celui d’entraîneur des Éléphants de Côte d’Ivoire.
Que ce soit à Abidjan, Yamoussoukro où ils sont descendus en coup du marteau sur le Sénégal, mais aussi Bouaké, et son second miracle ivoirien, nombreux sont les candidats potentiels au poste de sélectionneur des Éléphants de Côte d’Ivoire. Qui pourrait leur vouloir au pays où tout le monde où il est coach ?
Des jeunes mariés qui, la bague à peine passée sur l’annuaire de la main gauche dispensent des conseils, aux personnalités publiques callipyges qui misent plus sur les fonds de clients crédules et adeptes de thés amincissant que leurs formes modifiées en passant par des entrepreneurs galéjeurs qui ont encore eu plus de mérite que ces parents qui affrontaient lions et crocodiles sur le chemin de l’école. Tout le monde il est coach.
Thanks God jusqu’à preuve du contraire, il n’appartient à aucune de ces catégories mais plutôt à une qui est plutôt rare : celle des personnes qui ont l’art de faire les bons choix. Lui, c’est Emerse Faé. Le néo-entraîneur de la Séléphanto, celui qui l’a menée en finale.
Ce soir, face au Nigeria de Victor Osimhen, qui avait provoqué le pénalty de la victoire (1-0) en phase de poules, l’ancien international ivoirien aura l’occasion d’en faire un peu/beaucoup/probablement.
EMERSE FAÉ DÉMARRE PAR DES CHOIX FORTS
Ceux qui pensaient que la Côte d’Ivoire battrait le Sénégal peuvent se compter sur le bout des doigts. Vu comment la Guinée équatoriale, sortie juste après en 8èmes de finale, avait tapé la sélection ivoirienne alors entraînée par Jean-Louis Gasset, qui pouvait le prédire ? C’est alors qu’Emerse Faé entre en scène. Enfin pas de tout suite, il se fait voler la vedette par une demande de prêt.
Dans sa volonté de toujours innover, la Fédération Ivoirienne de Football demande à son homologue français, le prêt de l’ancien entraîneur des champions d’Afrique 2015, Hervé Renard. Mais cette dernière refuse d’accéder à la demande.
Retour au point de départ ou plutôt au nouveau point de départ avec le duo Emerse Faé – Guy Demel, lui aussi ancien international ivoirien. Coucou, Cristiano Ronaldo !
EMERSE FAE RELANCE LA BELLE SERI
Lundi 22 janvier, Sénégal – Côte d’Ivoire à Yamoussoukro et son stade Charles Konan Banny qu’on aperçoit beaucoup plus tôt qu’Ebimpé, et son pèlerinage. Sur la feuille de match, pas de Franck Kessié mais plutôt un Jean Michaël Seri.
Titulaire dans le milieu à trois de Patrice Beaumelle, l’ancien milieu de terrain de l’OGC Nice, et son inoubliable saison 2016/2017, fait sa première apparition sur les vertes pelouses ivoiriennes. C’est lui la force tranquille qui va ramener l’équilibre et surtout la qualité de première relance en s’insérant parfois entre les deux défenseurs centraux.
Emerse Faé a le nez creux. Il sait, nous savons que le milieu Franck Kessié – Ibrahim Sangaré - Seko Fofana fonctionne mal. Alors, il brise le trio pour stabiliser tout ça. Pari gagné, c’est le retour de la belle Seri, celle qui diffusée en boucle tous les week-ends avait enchanté la Ligue 1 et la Liga au point où Barcelone a essayé de s’attacher ses services. Mais le plan a échoué.
Quelques années plus tard, c’est un autre milieu de terrain qui arrive à Barcelone en provenance de Milan cette fois-ci : Franck Kessié.
Le même que coach Faé fait entrer à la 73ème minute à la place d’Ibrahim Sangaré.
Résultat : Jean Michaël Seri est élu du homme du match tandis que Franck Kessié lui a inscrit le but égalisateur puis le pénalty victorieux.
FACE À EMERSE FAÉ ET LA CÔTE D’IVOIRE, ERIC CHELLE A MALI LE MATCH
Lorsque les nombreuses bourdes répétées d’un Odilon Kossounou conduisent finalement à son expulsion à la 43ème minute, les plans d’Emerse Faé volent en éclats. Certes Yahia Fofana a stoppé un pénalty en début de rencontre mais là c’est une autre paire de manches. La Côte d’Ivoire va donc jouer à 11 contre 10 pendant plus d’une mi-temps.
Comment se réorganiser face à ce milieu de terrain qui met la pression notamment sur Jean Michaël Seri méconnaissable et auteur de la perte de balle qui oblige Kossounou à faire faute sur le remuant – ce jour-là – Lassine Sinayoko ? Comment conserver ne pas prendre l’eau complètement ?
C’est simple – après coup, Emerse Faé sort Nicolas Pépé, l’un des attaquants à ne pas avoir inscrit de but avec le talentueux mais frêle Karim Konaté et Christian Kouamé, et lance Wilfried Singo. Mais ce n’est pas tout.
Au retour des vestiaires, la stupeur de l’expulsion passée, la catastrophe industrielle analysée, le quadragénaire – il les a eus, le 24 janvier dernier – fait deux autres remplacements : Sébastien Haller et Willy Boly remplacent respectivement Christian Kouamé et Serge Aurier.
UN REMANIEMENT APRÈS LA CATASTROPHE INDUSTRIELLE
Certes, la Côte d’Ivoire conserve son milieu à trois mais passe à cinq derrière avec Max-Alain Gradel en arrière droit/piston droit.
Depuis le remaniement ministériel qui a eu lieu il y a quelques mois, on n’avait plus vu pareil chamboulement.
Et cette organisation permet étonnamment à la Côte d’Ivoire de tenir avec une machine de nouveau à nouveau bien huilée.
Toutefois, Nene Dorgeles ouvre le score à la 71ème minute de jeu.
Dans la foulée, Emerse Faé fait un premier changement. Plus joueur de devoir que piston droit, Max-Alain Gradel a finalement très peu apporté à ce poste inédit. Il est donc logiquement remplacé par un avaleur d’espaces, un joueur qui a de l’énergie à revendre, façon danseur de coupé-décalé adepte de roukasskass : Oumar « le Wourou national » Diakité. Puis c’est un autre changement important : Simon Adingra à la place de Jean Michaël Seri ; à la 85ème minute.
Certes ce sont deux changements mais l’ossature elle-reste avec ce 5 - 3 – 1, qui peut éventuellement se transformer en 4 - 4 - 1.
Simon Adingra et Oumar Diakité, les deux jeunes pépites ivoiriennes, ont de ceci en commun qu’ils ont un gros volume de jeu et qu’ils ont tendance à provoquer des fautes. Et ça qui mieux que Faé qui est dans le staff de la Côte d’Ivoire depuis 2022. Il connaît son groupe, il connaît ses joueurs mais surtout il semble avoir une capacité certaine à mieux lire le jeu que ses adversaires d’abord Aliou Cissé, entraîneur des futurs ex-champions d’Afrique, et Eric Chelle qui disait avoir en sa possession « le meilleur milieu du monde » sur le plateau télé d’une célèbre chaîne cryptée.
Emerse Faé, lui, n’a peut-être pas le meilleur milieu de terrain du monde mais il a deux grands espoirs. Et cela suffit à battre les Maliens.
Ainsi, Simon Adingra est au début et à la conclusion d’une action et surtout Oumar Diakité, lui, est l’auteur du but victorieux, sa pichenette qui fait la différence.
Certains diront : « Il a de la chance ! », d’aucuns diront que : « C’est Dieu ! » La vérité se trouve quelque part entre les deux.
CÔTE D’IVOIRE – CONGO OU LA CONFIRMATION DE LA TACTIQUE FAÉ
Bien qu’il soit beaucoup trop tôt pour parler d’un style de jeu, d’un Faé-Ball comme il existe un style Guardiola, avec cette possession à outrance et ses changements de poste incessants au point de dégoûter certains téléspectateurs, qui en ont parfois marre de ses expérimentations tactiques, il n’en demeure pas moins que Faé a une tactique certaine.
Diluée dans le traditionnel 4 – 3 – 3, la tactique d’Emerse Faé semble consister à faire jouer les bons hommes au bon endroit : simple mais efficace.
En fait non, Emerse Faé ne fait « que » mettre les joueurs là où il faut : non, non. Il fait de bons choix.
DES TITULARISATIONS QUI FONT SENS
Au-delà du but victorieux, cette reprise de volée topée, la titularisation de Sébastien Haller s’est avérée forte intéressante dans la mesure où elle a permis à la Côte d’Ivoire d’alterner phase de conservation et phase directe sans construction comme ce centre de Wilfried Singo sur la tête chercheuse de l’attaquant du Borussia Dortmund à la 39ème minute. Dommage qu’il n’ait pas trouvé le cadre.
L’autre titularisation intéressante est celle de Simon Adingra.
Rétabli physiquement, l’ailier virevoltant, et ses accélérations accompagnées par le public autrefois biberonné aux exploits de Gervinho et Kader Keïta, a régulièrement apporté du danger depuis son aile gauche sans oublier pour autant de défendre. C’est d’ailleurs lui qui se crée la première grosse occasion ivoirienne avec sa tête qui passe à côté. Encore un centre de Wilfried « Fed Ex » Singo. N'oublions pas non plus l'entrée de Lazare Amani aux changements de rythme déroutants.
Et qu’importe si certains, fâchés d’être sortis, filent directement aux vestiaires.
Emerse Faé fait de bons choix tactiques. Rendez-vous, ce soir à 20H, pour voir ceux qu’il a concoctés pour affronter le Nigeria. Quel que soit le résultat, il y aura toujours ceux qui diront : « Si c’est moi, j’allais remplacer lui là pour mettre celui-là. Regarde-le : il vaut rien ! »