« Tu bois quoi ? », demande ce pote qui sait pertinemment après toutes ces années à faire et refaire l’histoire à coups de scie ce que tu vas boire. Et pendant ce temps-là, toi aussi, tu fais semblant d’ignorer ce que tu vas prendre alors que tu connais le menu sur le bout des doigts et ces cocktails sur lesquels beaucoup Menthe.
Encore ivres de bonheur après leur miraculeux sacre continental éternel, les Éléphants de Côte d’Ivoire ont bu La Céleste de Marcelo Bielsa. Retour sur cette victoire au terme d’un match qu’ils ont dominé avant de se faire reprendre : 2 à 1.
LES ÉLÉPHANTS SANS HALLER, NI NDICKA, NI FER DE LENS
Depuis que Tiéhi Joël, Roger Boli, ex-recordman du club du nombre de buts (20) marqués en une saison, depuis battu par Loïs Openda, mais aussi Aruna Dindane ont porté les couleurs Sang et Or, la réputation des footballeurs ivoiriens n’est plus à faire.
Encore plus depuis le passage du serial frappeur, et ces ballons finalement détournés : Seko Fofana.
Cette fois-ci, l’ex-fer de Lens n’est pas là mais il a quand même tenu, avec Franck Kessié, l’autre « vieux père » du milieu, a marqué sa présence en offrant des Rolex à leurs champions d’Afrique de coéquipiers. Classe.
Résultat : les Ivoiriens mettent les pendules à l’heure dès les premières minutes. Et il faut bien.
Il faut dire qu’en face, les coéquipiers de Federico Valverde, au premier rang desquels Manuel Ugarte, fidèles à eux-mêmes, font encore moins dans la dentelle qu’un Agent Provocateur. On se demande même si c’est un match de football ou un match de boxe.
À mesure que les débats physiques s’équilibrent, les Éléphants trompent leur adversaire. À l’image d’un Odilon Kossounou, associé en l’absence d’Evan Ndicka au flegmatique et précieux Emmanuel Agbadou, dont la capacité à dépasser sa fonction de défenseur central est autant une bouffée d’oxygène qu’une bouffée de chaleur.
Unis, disciplinés et travailleurs, les Ivoiriens, répètent leurs gammes comme si c’était l’Abidjanaise.
Disposés en 4 – 1 – 4 – 1 avec Oumar Diakité notamment dans la position sacrificielle de l’avant-centre esseulé façon Olivier Giroud, en lieu et place de Sébastien Haller blessé, les hommes d’Emerse Faé, tout de noir vêtu, dominent.
Leur maîtrise du jeu, elle a été récompensée à la 9ème minute de jeu quand le centre de Wilfried Singo, meilleur joueur sur la pelouse de Félix-Bollaert, termine au fond des filets uruguayens. Il est finalement attribué à Mathías Olivera. Côte d’Ivoire 1 – Uruguay 0.
Dur sur l’homme et précieux techniquement, Wilfried Singo n’est pas le seul à tirer son épingle du jeu.
Titularisé en l’absence de Seko Fofana, Lazare Amani expose en mondovision, après son entrée marquante face à la République Démocratique du Congo, il y a quelques semaines seulement, sa capacité à redonner une seconde vie au ballon. Lazare likes this.
Et pendant ce temps-là, peu avant la demi-heure de jeu, Jean Michael manque de poursuivre sa Seri de ballons perdus dangereusement ; après les épisodes 1 (quart de finale contre le Mali) et 2 (match amical contre le Bénin).
Si la domination territoriale saute aux yeux, ce n’est pas encore le cas au tableau d’affichage. Alors, Wilfred Singo, toujours lui, adresse un centre qui aurait été plus que parfait si Oumar Diakité, trop court, l’avait mise au fond. 38ème minute de jeu.
Côté uruguayen, très, très peu d’occasions. À l’image de cette tentative de Nicolás de la Cruz.
Mi-temps : Côte d’Ivoire 1 – Uruguay 0.
Et ce malgré le fait qu’en jouant parfois trop bas, cela ait compliqué la relance et la bonne lancée des fusées de devant.
L’URUGUAY RÉAGIT, LA CÔTE D’IVOIRE AUSSI
Peut-être que Marcelo Bielsa, avec sa glacière sur le côté pour aller à Grand-Bassam ou Assinie, leur a parlé, on ne sait pas.
Toujours est-il que la nouvelle composition de la Céleste pose problème aux Éléphants. Ils ont du mal à avaler ça.
Si les occasions se multiplient de part et d’autre, le score lui ne bouge pas. À l’image d’un Nicolas Pépé incapable de transformer une occasion de but (50ème minute).
Un quart d’heure plus tard, le meilleur joueur ivoirien de la CAN 2021, disputée chez la belle-famille camerounaise, sort. Il est remplacé par l’autre chouchou national avec Diakité : Simon Adingra.
Vu la nature des débats, on se demande si c’est une bonne idée, si certains adversaires ne vont pas trop lui chatouiller ses frêles jambes. Mais Emerse Faé sait ce qu’il fait. Surtout quand il s’agit d’apporter du sang neuf.
LA CÔTE D’IVOIRE EST DOUÉE, GUÉLA AUSSI
Le fameux changement décisif intervient après l’égalisation uruguayenne de Federico Viñas à la 77ème minute.
On joue la 83ème minute de jeu lorsque l’esseulé mais combatif Oumar Diakité cède sa place à Guela Doué ; dont le petit frère en a récemment collé deux lors d’un match amical face aux Éléphanteaux. Pour la petite histoire, le dernier attaquant binational à avoir brillé face aux U23 ivoiriens, c’était un certain Sébastien Haller ; auteur d’un triplé en 2016. Tu sais/on sait/nous savons comment l’histoire s’est terminée.
Son histoire à lui, Guela n’aurait pas pu mieux l’écrire.
84ème minute de jeu. Après un joli numéro d’Adingra qui a apporté plus que Nicolas Pépé et surtout Jonathan Bamba, en quelques temps seulement, la Côte d’Ivoire obtient un corner. Tiré par Adingra, le ballon semble se diriger vers le troisième poteau sans qu’il ne trouve preneur. Mais au duel avec un adversaire, Guela ne l’a perdu des yeux, a pris l’information avant d’exécuter une reprise du pied droit. Filet est plein !
Côte d’Ivoire 2 – Uruguay 1.
À peine sorti du terrain, Oumar Diakité refait surface sur la pelouse pour se mêler à la liesse.
Les Ivoiriens sont contents, et nous aussi. Et ce n’est pas la petite embrouille où Manuel Ugarte et Odilon Kossounou ont un peu trop montré les muscles, au point d’être avertis qui y a changera quelque chose.
Après ses défaites contre l’Argentine 2 à 1, en 2006, pour le premier match de son histoire en Coupe du Monde, puis quatre ans contre le Brésil et ce 4 à 1, avec Didier Drogba qui devient le premier joueur africain à trouver le chemin des filets contre la Seleçāo en phase finale de Coupe du Monde. Ou encore la Coupe du Monde 2014, et la défaite 2 à 1, encore, face à la Colombie.
C’est la première fois que la Côte d’Ivoire remporte une victoire face à une nation sud-américaine. Alors oui, tout n’a pas été parfait, particulièrement cette incapacité chronique à se mettre à l’abri rapidement, sans que le cœur fragile de supporters fasse des roukasskass, mais la victoire – de prestige, qui plus est – est au rendez-vous. De quoi avoir vite envie de répondre à la sempiternelle question : « Tu bois quoi ? »
« Céleste, s’il te plaît. »