« C’est comme si c’est pour la première fois qu’ils jouaient au football. On avait l’habitude de voir mieux que ça mais voilà… », analyse au micro de France 24 cette jeune supportrice ivoirienne au teeshirt col rond blanc et orange.
Comme des milliers, des centaines de milliers, des millions d’ivoiriens, elle vient d’assister à l’élimination de la Côte d’Ivoire par la Grèce ; qualifiée pour la 1ère fois de son histoire pour les 8èmes de finale. Quelques minutes avant le coup de sifflet final, la qualification tendait pourtant les bras aux Ivoiriens.
Ce n’est ni la première fois, ni la dernière fois que les Éléphants de Côte d’Ivoire donnent goumin, chagrin, à leurs supporters mais c’est assurément l’une des défaites qui fait le plus mal dans l’histoire du football ivoirien. Retour sur ce jour où la Côte d’Ivoire glissa sur la Grèce.
EN CÔTE D'IVOIRE, UN DRÔLE DE SAMOURAÏ
Lorsque la Côte d’Ivoire débarque au Brésil pour la Coupe du Monde 2014, perturbée par des manifestations anti-Mondial contre les 11 milliards de dollars qui auraient été dépensés pour l’organisation de l’événement, elle est pleine d’incertitudes.
De sa capacité à sortir d’un groupe C à priori facile avec la Colombie de James Rodríguez, comme « seul adversaire dangereux », aux qualités intrinsèques de coaching du sélectionneur Sabri Lamouchi, en passant par le statut-plus-si-privilégié-que-ça de « Dahizoko », tous les sujets font l’objet de palabres.
Le plus souvent, dans des quartiers populaires, sous l’arbre à palabres, avec ce grand feuillage qui couvre leur corps mais pas leurs grosses voix tonitruantes, certains s’en donnent à cœur joie mais rares sont finalement ceux qui ne soutiendront pas la Séléphanto ; au moment du coup d’envoi.
Le premier qui retentit lance un Côte d’Ivoire – Japon qui semble easy sur le papier. Mais comme tes Éléphants préférés sont rarement en voie de disparition, quand il s’agit de se rendre la tâche ardue, rien ne se passe comme prévu. C’est ainsi que le Japon de Nagatomo Honda, buteur, passe la première : Japon 1, Côte d’Ivoire 0.
Puis, il faut attendre la seconde mi-temps et l’entrée de Didier Drogba pour déstabiliser l’arrière-garde nipponne. La faute à son nouveau style : mini-queue de cheval et barbe hirsute.
Deux centres réalisés par Serge Aurier repris respectivement par Wilfried Bony puis Yao Kouassi Gervais dit « Gervinho » offrent une victoire étriquée mais précieuse à l’équipe du dernier samouraï, entré en cours de jeu.
Le match suivant, c’est la même tactique. À Drogba le toucher froid du banc des remplaçants, en plexiglas ; à Bony la possibilité de voir si l’herbe est plus verte chez les Colombiens. Ces derniers l’emportent 2 à 1.
GOUMIN : SAISON 4, ÉPISODE 225
Ce 24 juin 2014, dans le stade de Governador-Plácido-Castelo, à Fortaleza, ville située à l’Est du Brésil, Grecs et Ivoiriens s’affrontent sous 29 degrés. Les premiers à transpirer, ce sont les Ivoiriens.
La première titularisation de Didier Drogba, depuis le début de la compétition, effraie à peine les champions d’Europe 2004.
Ce sont eux qui ouvrent le score à la 42ème minute par l’intermédiaire de Samaris, après une perte de balle de feu Cheik Tioté.
Les verts Ivoiriens réagissent en seconde mi-temps quand Wilfried Bonyfie un ballon de Gervinho ; qui sera plus tard remplacé par…Giovanni Sio. On joue la 72ème minute de jeu et à cet instant précis, c’est la Côte d’Ivoire qui est en passe de se qualifier pour le premier 8ème de finale d’une Coupe du Monde.
À Abidjan, on y pense à cet exploit, on y croit dur comme fer.
Ces gorges profondes, dans lesquelles des centilitres de boissons alcoolisées et/ou gazées sont passées, se nouent. Les mains sont moites, et les nerfs sont tendus comme la ficelle du milieu. La tension est palpable tout comme cette accession au second tour.
Mais l’histoire très récente de ce pays, marquée par une guerre civile, que beaucoup appellent « affectueusement » : crise post-électorale, a montré que le second tour était rarement synonyme de paix pour les Ivoiriens. Ce 24 juin 2014, dans le stade de Governador-Plácido-Castelo, à Fortaleza, ville située à l’Est du Brésil, les Ivoiriens s’effondrent sous 29 degrés.
LE CIMETIÈRE DES ÉLÉPHANTS
Dans le temps additionnel, M. Carlos Vera, l’arbitre équatorien de ce match couperet, pointe le doigt vers le point de pénalty après s’être fait généreusement abusé par Samaras ; victime d’une faute du nouvel entrant…Giovanni Sio. Si certains fans ivoiriens, partis voir le match entre amis, prient pour que Copa Barry fasse l’arrêt décisif, d’autres, encore plus réalistes, font plutôt leurs affaires et rentrent chez eux. Ce sont les seconds qui ont raison. Samaras transforme le pénalty. Grèce 2 – Côte d’Ivoire 1.
La Séléphanto vient de glisser sur une Grèce combative ; qui a eu cru jusqu’au bout. Perdre dans des conditions tragiques face au pays qui lui-même l’a inventée, la tragédie, il n’y a que les Ivoiriens qui pouvaient la faire celle-là. Et en beauté, s’il te plaît !
Cabinda, Rustenburg, Libreville et maintenant Fortaleza, autant de stades devenus cimetières des Éléphants.
Après cette nouvelle tragédie grecque, Sabri Lamouchi démissionne, Didier Drogba, lui, prend sa retraite quelques semaines plus tard. « Trop tard ! » pour les uns qui lui reprochent « d’avoir porté malheur », « Trop tôt ! » pour d’autres. Quelques mois plus tard, le 8 février 2015, la Côte d’Ivoire remporte le second festival de CAN de son histoire grâce…à Copa Barry.
Tu en oublierais presque ce 24 juin 2014, dans le stade de Governador-Plácido-Castelo, à Fortaleza, ville située à l’Est du Brésil, Grecs et Ivoiriens se sont affrontés sous 29 degrés mais : « C’est comme si c’est pour la première fois qu’ils jouaient au football. On avait l’habitude de voir mieux que ça mais voilà… »
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