« Demain, c’est férié ! » répète l’un de ces adultes autour de toi, à qui tu as donné la main en ce soir de victoire : la Côte d’Ivoire vient juste à peine de décrocher la Coupe d’Afrique des Nations, son premier trophée continental !
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Dans tes souvenirs enfouis dans un disque dur qui RAM, il semble que ce soit Maman qui tienne ta petite main d’enfant tout content de ne pas aller à l’école. Mais peu importe si tu as des doutes raisonnables, sur l’identité de la personne qui la tenait effectivement, trente après, au moment où les Éléphants s’apprêtent à en disputer une, tu n’as jamais oublié cette CAN 1992 où au terme d’un longue séance interminable de tirs au but, la Côte d’Ivoire a gagné. Throwback.
GADJI CÉLI CHANTE, LES GALLIETS LIBÈRENT EN ZOUGLOU
Avant que Captain Gadji Céli Saint-Joseph et ses coéquipiers ne foulent le sol du Sénégal, pays voisin qui aime la Côte d’Ivoire d’un amour vache, que le milieu de terrain international, aujourd’hui exilé en France, ne soulève le trophée remis par le président sénégalais – de l’époque, bien sûr – Abdou Diouf, il poussa la chansonnette.
D’origine bhété, peuple de l’Ouest de la Côte d’Ivoire beaucoup trop souvent caricaturé pour leur propension à « faire tout le temps palabre » et chanter, l’artiste « Saint-Jo » donne ainsi du grain à moudre à ces moqueurs. Depuis les années 1980, le joueur de l’ASEC Mimosas chante déjà.
Cette fois-ci, c’est avec Sénégal 92 disponible sur l’album Éléphants Story, qu’il apporte sa pierre à l’édifice dans les studios d’abord puis sur le terrain.
D’autres comme lui sont derrière les hommes du sélectionneur ivoirien Yéo Martial, il s’agit du groupe Les Galliets.
« Éléphants-là vous connaît ballon eh ! Si c’est Sénégal nous allons gagner oh ! » et ce clip aujourd’hui collector où l’invisible trompette permet au groupe de reprendre son souffle entre deux pas en avant.
Mais si le soutien musical est audible et indéniable, d’autres encore font appel à de drôles de supporters : des sorciers.
RENÉ DIBY CHEZ LES SORCIERS, SAINT ALAIN GOUAMÉNÉ
C’est un secret de polichinelle que l’ex-ministre des Sports René Diby a longtemps mal gardé : celui des féticheurs d’Akradio.
C’est dans ce village situé dans le sud de la Côte d’Ivoire, et la région de Dabou, que le ministre originaire de la région serait venu les trouver pour monter un programme : sortilège contre rémunération. Ils n’auraient jamais reçu ce qui leur avait promis : raison pour laquelle la Cote d’Ivoire aurait galéré jusqu’en 2015 pour soulever un second trophée continental.
Dans un entretien accordé à Libération, l’ex-ministre explique que ces jeteurs de sort auraient réussi à réduire les cages ivoiriennes afin que les adversaires soient incapables de trouver le chemin des filets.
Et même s’ils arrivaient à le trouver, ils finissaient par tomber sur un gardien en état de grâce : Alain Gouaméné.
Avant de réaliser un exploit en finale, le gardien de vingt-cinq ans à l’époque en avait déjà fait un en demi-finale de la compétition.
D’abord en arrêtant un pénalty pendant le match puis trois tirs au but dont celui du gardien camerounais : un certain Joseph-Antoine Bell. La Côte d’Ivoire remporte la séance : 3 – 1.
C’est donc avec cet atout que les Éléphants se présentent face aux Black Stars du Ghana.
JOURS FÉRIÉS, FEUX D’ARTIFICE
Bien qu’il soit privé de leur capitaine Abedi Pelé, suspendu pour la finale, le Ghana fait office de favori pour les Sénégalais venus remplir le stade de l’Amitié à Dakar.
« […] Il faisait très chaud. Le stade était majoritairement pour le Ghana. » se souvient pour Jeune Afrique le héros Gouaméné.
Mais, la formation ghanéenne compte dans ses rangs Anthony Yeboah mais surtout celui que Edson Arantès do Nascimento dit « Pelé » a lui-même désigné comme son propre successeur : Nii Lamptey. Mais plombé par une absence difficile et des agents véreux, le jeune prodige ghanéen n’aura jamais la grande carrière annoncée.
De son coté, faisant preuve d’union, de discipline et de travail, la Côte d’Ivoire n’a encaissé aucun but. Zéro, nada ! C’était donc écrit que la finale se jouerait aux tirs au but. La seule chose qui n’avait pas été écrite dans ce scénario incroyable, c’est le nombre de pénaltys pour départager les deux pays voisins : 24.
Le pouce que lève Aka Kouamé, après avoir inscrit le onzième pénalty ivoirien, augure de bonnes choses. Le numéro 2 de la Côte d’Ivoire l’ignore encore mais il a écrit les dernières phrases de l’Histoire. Manque plus que le point final. Le grand et costaud Anthony Bafoué, et son numéro 2 floqué sur son maillot et son short trop court, avance vers Alain Gouaméné.
Le portier ivoirien qui joue au Raja Casablanca à cette époque-là a l’avantage psychologique sur le Ghanéen puisqu’il a marqué le sien. Le Bhété souffle dans ses gants puis se détend sur sa droite pour bloquer la frappe molle de Yeboah. Ça y est : la Côte d’Ivoire est championne d’Afrique pour la première fois de son histoire (11 – 10) ! Et forcément, ça se fête !
Des feux d’artifices – qui aujourd’hui sont à priori interdits après les différentes crises politiques et la guerre civile que le pays a connues – déchirent le ciel noir étoilé.
Au sol, pendant que le pétrichor embaume les rues, comme si la pluie avait mouillé tous les jardins de ce quartier de Cocody, situé dans Abidjan Nord, des adultes se réjouissent des trois jours fériés que feu le président Houphouët-Boigny a décrétés. Et au milieu d’eux, des enfants exultent de joie pour la victoire mais surtout parce qu’ils ont entendu : « Demain, c’est férié ! »
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